Freelancing & IA

Gilbert Hottois, Hannah Arendt, Gilbert Simondon… les grands esprits ne manquent pas pour penser ou repenser notre rapport à la technologie et son impact sur le monde qui nous entoure. Certains sont cependant souvent laissés de côté alors que leur lecture est éminemment nécessaire : les économistes. Ces derniers ont notamment développé ce qu’on appelle la théorie de la valeur selon laquelle tout bien possèderait une valeur d’usage (c’est-à-dire l’utilité qu’en retire son utilisateur, valeur généralement donnée par la nature de la marchandise) et une valeur d’échange (plutôt d’ordre monétaire, il s’agit du montant auquel un bien s’échangerait). Ces questions de valeur d’usage et de valeur d’échange sont capitales pour comprendre l’état et l’évolution de notre économie.

Et il en va de même pour l’intelligence artificielle.

Valeur d'usage et d'échange

Il y a quelques semaines, plusieurs personnes se sont exprimées sur une prétendue « bulle de l’IA ». Une bulle adviendrait alors lorsque la valeur d’échange excède la valeur d’usage – à un tel point qu’à un moment, plus personne n’a la valeur d’usage suffisante pour payer une valeur d’échange qui n’aurait fait qu’enfler. La bulle éclate alors et la valeur d’échange retrouve (normalement) la valeur d’usage qui, elle, n’a pas tellement bougé. Dans une économie saine, la valeur d’usage et la valeur d’échange sont logiquement liées, sans écart majeur, rendant l’échange monétaire sain également : on paye pour quelque chose qui nous apporte de la valeur, quelque chose dont on bénéficie.

Il existe dès lors une façon assez simple d’éviter la bulle, et de rassurer les investisseurs et clients : comprendre la valeur d’usage de l’IA, et être également capable d’en créer afin que l’augmentation de la valeur d’échange ne repose pas sur du vent ou sur du vide ! Comprendre et créer sont indépendants l’un de l’autre mais sont absolument nécessaires – avoir l’un sans l’autre n’ayant aucun sens – et doivent donc faire l’objet d’une approche stratégique globale.

Dans son rapport "Independent Talents: the secret sauce to IA innovation", Malt pointe ce défi auquel les entreprises font face et l’explique par un déséquilibre du marché lié à une évolution extrêmement rapide qui échappe à tout le monde : peu importe la valeur d’usage, pourvu que la valeur d’échange augmente (on imagine vite les travers d’une telle approche).

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Une montée en compétences

Pour garder les pieds sur terre, et véritablement comprendre ce que l’IA peut faire, un investissement conséquent dans la formation des collaborateurs et collaboratrices est essentiel. Cette montée en compétence peut soit se faire via des cours, une AI Academy, ou des bootcamps, ou alors via l’arrivée de nouveaux talents externes qui feront bénéficier tous les employés de leurs connaissances. On le sait, la formation continue fait partie de l’ADN des freelances – l'étude "Freelancing in Europe" de Malt montre que les freelances de la catégorie Tech & Data passent en moyenne 5 heures par semaine à se former – il serait alors contre-productif de ne pas bénéficier de cette expertise, et des gains liés au partage de celle-ci.

Si une compréhension profonde et complète de l’IA peut éviter de trop grands écarts entre valeur d’usage et valeur d’échange, encore faut-il créer de la valeur d’usage. Comme le rappelle le cabinet de conseil BCG, le succès d’un projet IA tient à 10% à la qualité du code et des algorithmes, à 20% aux capabilités techniques (notamment le cloud et les systèmes qui soutiennent les programmes) et à 70% à la gestion du changement et aux autres processus impliquant de la gestion humaine. Beaucoup trop d’entreprises se concentrent sur les premiers 30%, comme s’il suffisait d’offrir une licence ChatGPT Enterprise à tous ses employés pour jouir de tous les effets bénéfiques de l’IA d’un coup de baguette magique. Il n’en est rien.

Les entreprises doivent accorder davantage d’importance au changement et aux impacts organisationnels que ce dernier va provoquer. Les freelances sont alors une ressource de luxe car ils ont l’habitude d’environnements changeants et challengeants, et ils peuvent apporter la flexibilité et l’agilité nécessaire à une gestion du changement plus fluide. Ils pourront également apporter, on l’a dit, l’expérience de ce qui se fait de mieux ailleurs – et les entreprises ne s’y sont d’ailleurs pas trompé, la demande pour des freelances en Data Science et Data Engineering ayant augmenté respectivement de 39% et 23% en un an ! C’est avec des ressources efficaces sur le terrain et un top-management engagé et au fait des dernières évolutions technologiques que les entreprises pourront être concurrentielles sur ce domaine de pointe !

En se développant à la fois sur la formation de leurs équipes et sur leur propre transformation interne, les entreprises pourront alors réellement dégager la valeur d’usage dont l’intelligence artificielle est capable – loin de toute bulle spéculative. C’est précisément en élaborant un plan solide et dédié qu’elles parviendront à tirer parti de chaque dimension de l’IA, tout en évitant le risque de la bulle ou du soufflé qui, l’effet de mode s’estompant, viendrait à retomber tristement – tel n’est pas le destin des organisations qui se forment, se reforment, et se développent !

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